Continuons de parler de GAFAM
Dans un récent article de son carnet, Louis Derrac propose de faire attention à notre manière de parler du numérique de manière à parler plus vrai et plus politique.
Il est évident que le choix du vocabulaire influe beaucoup sur la perception de la réalité et les termes du débat. Ce n’est pas pour rien que les politiques cherchent régulièrement à imposer leur propre éléments de langage. Sur le sujet, l’intervention suivante de Franck Lepage n’est pas inintéressante
Bien que je sois aligné avec Louis sur l’intérêt de penser à notre manière de parler, je ne suis pas immédiatement et complètement convaincu par l’ensemble de ses propositions. J’essaie ici d’un peu structurer mes quelques possibles désaccords avec ses propositions.
De manière générale, je trouve que les dénominations proposées me paraissent rester assez abstraites. Par exemple, parler de multinationales du numérique plutôt que de GAFAM me semble moins concrets. Parler de plateforme de services numériques va dans le bon sens par rapport à cloud mais me paraît néanmoins encore assez abstraits.
Concernant l’usage de multinationales du numérique, cela me semble moins concret que GAFAM mais cela est aussi très imprécis. Rentre dans cette catégorie des sociétés que l’on n’associe pas spécialement aux GAFAM. Avec des employés en France et Roumanie, peut-on exclure Xwiki SAS de cette catégorie ? Proton (anciennement protonmail) rentre sans doute assez facilement dans la catégorie de multinationale. Quand bien même mes exemples seraient mal choisis, une multinationale n’est pas forcément un mastodon économique. Je n’ai malheureusement pas de contre-proposition pertinente. J’imagine peut-être élargir GAFAM à GAFAM & Co pour souligner qu’il n’y a pas que cinq sociétés concernées.
Pour ce qui est du cloud, hors milieu professionnel, j’aurais plutôt tendance à parler de l’ordinateur de quelqu’un d’autre. En milieu professionnel, j’imagine plutôt parler de centre de données externalisé ou de serveur externalisé.
Pour le reste, hormis comme déjà dit, le fait que je trouve la plupart des formulations encore assez peu parlantes, je n’ai pas de réels désaccords.
Deux dernières réflexions. Premièrement, il faut sans doute à certains moments se poser la question de l’importance de changer les termes versus l’agacement, l’irritation que cela pourrait créer chez certain·es de nos interlocuteurices. Il est sans doute parfois opportun de capituler sur des termes pour maintenir le dialogue. Finalement, c’est une lutte sans fin parce que l’on peut faire confiance au système dominant pour s’approprier les termes et réduire à néant leur caractère critique, politique. Par exemple, alors que prôner la résilience de la société est une manière de s’éloigner du culte de la performance, cette notion est maintenant largement utilisée dans des formations de cadres pour leur apprendre à gérer individuellement les stress imposés structurellement par leur entreprise.