Coprésidence Ecolo, stop ou encore ?

Fin novembre 2025

La récente crise connue par le duo à la présidence d’Ecolo ayant mené à sa démission est avant tout une question de personnes. Mais dans de pareilles situations, il est légitime de questionner l’existence de facteurs plus structurels ayant nourri la crise. Certaines personnes remettent ainsi en cause le système de coprésidence du parti vert. Et cela, à mon avis, de manière un peu rapide et surtout pas dans la bonne direction. Ci-dessous, je vous partage quelques réflexions par rapport à la question de savoir si cela marche si mal que cela et si Ecolo veut quitter le système de coprésidence actuel, la présidence unique est-elle le seul horizon à considérer ?

Cela ne marche pas

La principale critique que j’ai pu voir relayée dans la presse ou dans les commentaires de réseaux sociaux, c’est qu’une coprésidence (et une présidence collégiale de manière plus large), cela ne fonctionne pas.

De manière triviale, il est évident qu’Ecolo ne connaîtrait pas la crise actuelle s’il n’y avait qu’une seule personne à la présidence du parti. La plupart des gens arrivent relativement bien à cohabiter avec eux-mêmes. Mais c’est certainement un peu court comme raisonnement et il me semble intéressant de se pencher d’un côté sur la critique de l’efficacité d’une coprésidence sans oublier d’un autre côté que l’alignement avec certaines valeurs peut aussi être un critère pertinent à l’aune duquel évaluer un système de présidence.

Concernant les valeurs, je suis dubitatif voire inquiet quand on donne le MR comme exemple d’une présidence personnifiée qui fonctionnerait mieux. Un parti où le chef est tout puissant et semble attribuer les postes en fonction du fait que vous appartenez à son clan et non en fonction des compétences ne me fait pas rêver. Quand je vois les attaques et pressions exercées par ce président sur les journalistes, je ne peux que constater un mouvement inquiétant vers un système illibéral. Une présidence collective ne prémunit pas contre ce type d’évolution mais en limite sérieusement la probabilité.

Quant à l’efficacité, il n’est pas évident ce que chacun et chacune place derrière ce terme. Cela a sans doute trait à la capacité de remporter des élections et de peser dans le débat public. Au moins trois éléments devraient nous inviter à relativiser l’inefficacité de la présidence collégiale d’Ecolo.

  1. Si Ecolo a connu de grandes défaites électorales c’est bien parce que le parti avait connu auparavant de grandes victoires électorales. Lors de celles-ci, on n’a pas entendu de critique sur le principe de coprésidence. Visiblement, une coprésidence ne vous empêche pas forcément de gagner des élections.
  2. Dans le même ordre d’idée, Ecolo est un des partis verts européens qui a connu le plus de succès électoral y compris dans la capacité d’entrer dans des majorités. Il y a des partis verts qui n’ont pas de présidence collective. En d’autres mots, Ecolo a surperformé par rapport à des partis verts dotés de présidence unique.
  3. Finalement, quand un parti est en crise, il est en crise. Cela indépendamment de la forme de sa présidence. Une seule personne assure la présidence chez Défi ou à l’OpenVLD. Y voyons-nous des dynamiques sérieusement plus positives et efficaces que chez Ecolo ?

La question de l’animation

Les Engagés sont aussi parfois pris comme exemple qu’une présidence forte et unique fonctionne mieux. C’est faire abstraction du fait que les Engagés ont pris pas mal de temps avant de redevenir une force politique qui compte. Par ailleurs, cela néglige aussi l’importance de la démarche collective Il fera beau demain comme fondation aux derniers succès électoraux des Engagés. Et cela a aussi été historiquement une des forces d’Ecolo notamment dans les années 1990 avec les états généraux de l’écologie politique.

Être fort collectivement est plus facile quand il y a des individus forts. De manière générale, on reproche souvent à Ecolo un manque de personnification, de personnalités. La critique n’est pas dénuée de fondement et assurément pour Ecolo l’articulation entre collectif et individu n’est pas toujours simple. Cependant, attribuer cette difficulté à la présidence collective me paraît de nouveau un raisonnement trop court. Pensons de nouveau à Défi et à l’OpenVLD. Par ailleurs, le système de coprésidence n’a pas empêché Ecolo par moment d’avoir des personnalités fortes. Je pense entre autres à Jean-Michel Javaux, Isabelle Durant ou encore Philippe Lamberts.

Des coupeurs de têtes

Dans les critiques portées à Ecolo et son mode de fonctionnement, on entend souvent que les militants Ecolo aiment couper les têtes des personnalités trop fortes notamment en assemblée générale. Jacky Morael est souvent pris comme un tel exemple. La réalité est cependant que Jacky Morael ne s’est jamais présenté à l’assemblée générale comme ministre et que l’on ne saura jamais ce qu’aurait été le vote des membres. Jacky Morael a bien plus été victime de luttes d’appareil que du vote des militants lambda.

On ne peut pas non plus attribuer aux assemblées générales le score exécrable de la plupart des ministres Ecolo sortants lors des dernières élections.

Le seul cas que je connaisse où l’assemblée générale aurait coupé une tête c’est quand les membres ont préféré Philippe Lamberts à Isabelle Durant comme tête de liste aux européennes pour les élections de 2009. Vu le parcours par la suite de Philippe Lamberts comme eurodéputé, il est difficile d’affirmer que le choix de l’assemblée était inepte. Par contre, il semblerait que Philippe Lamberts a toujours été un peu marginalisé au sein de l’appareil Ecolo. On ne retrouve pas assez de détails dans la presse pour l’affirmer avec certitude mais il semblerait que la difficulté d’accepter au sein d’Ecolo des personnes qui dépassent se situe non pas au niveau des membres mais plutôt au niveau des apparatchiks.

Trois plutôt que 1

Malgré tout ce que je viens d’écrire, je fais partie des personnes qui pensent que le système d’Ecolo pourrait être meilleur. Mais plutôt que d’aller vers une présidence assurée par une seule personne, je pense que la bonne direction serait de revenir à une équipe de trois.

La première raison est d’éviter les mariages arrangés, forcés. De manière très compréhensible, les statuts d’Ecolo exigent au moins une femme et un homme dans le duo ainsi qu’une contrainte sur un panachage des origines (une bruxelloise et une wallonne). Mais lorsque l’équipe n’est que de deux personnes, cela restreint beaucoup les options. Quand quelqu’un·e envisage se présenter, l’autre partie du duo devra venir de l’autre région et être du genre opposé. Une équipe de trois permet d’avoir bien plus d’options pour constituer une équipe et celle-ci a donc plus de chance d’être cohérente.

Sur la question d’une présidence collégiale, il y a souvent une mécompréhension sur la forme souhaitable de celle-ci. L’objectif n’est pas d’avoir plusieurs personnes qui tiennent le même volant mais bien d’avoir plusieurs personnes qui se trouvent au sein du cockpit de pilotage. Il est normal et légitime qu’au sein d’une présidence collégiale, chaque personne ait un rôle un peu différent. Ce n’est pas grave si l’une est plus présente dans les médias alors qu’une autre est plus active dans l’animation interne. Cela est même souhaitable. J’ai l’intuition forte qu’à deux, le risque existe que les deux souhaitent ou pensent devoir prendre le volant ; le risque est même que les deux personnes pensent que c’est le fonctionnement souhaitable alors qu’à trois et plus, il est totalement évident que cela ne peut pas fonctionner et qu’il faut s’organiser différemment.

Ecolo est clairement en crise. Attribuer cette crise au système de coprésidence me semble une erreur. Erreur qui par ailleurs risque de masquer les vrais maux d’Ecolo. Cette fascination pour une présidence unique s’inscrit dans l’imaginaire d’une personne providentiel. Imaginaire qui semble plus le signe d’un manque de maturité démocratique que toute autre chose.